lI y a deux semaines, j’ai assisté à une table ronde sur le roman policier dans mon coin de pays. Trois auteurs échangeaient sur l’écriture du genre, son public, ses stéréotypes et ses difficultés, entre autres. Si j’ai passé un très bon moment, que j’ai appris une couple d’affaires et que je me suis sentie moins seule dans ma façon de penser à certains moments, c’est un commentaire d’un ami auteur parmi les trois présents qui m’a fait le plus de bien.

En résumé, Benoît Bouthillette (La trace de l’escargot, Prix St-Pacôme du roman policier 2005) a expliqué qu’il se considérait davantage comme un écrivain de littérature policière plutôt que de thrillers proprement dit. Sa nuance était qu’il y avait dans la première une plus grande place pour les personnages, leur histoire personnelle, leur environnement, leur choix de vie, et nombre d’autres particularités, et donc que l’enquête était un prétexte pour parler de tout le reste. Le deuxième est davantage consacré à l’action proprement dite, aux péripéties et cascades qui nous tiennent en haleine, mais ne nous permet bien souvent pas de nous attacher vraiment aux protagonistes. C’est l’enquête elle-même qui domine dans le récit.

Pourquoi ça m’a fait tant de bien ? Parce que je me suis beaucoup questionnée en écrivant La Pathologiste, je me questionne encore beaucoup en écrivant la suite. Sur ma façon d’écrire du policier, de raconter ce qui se passe, sur la forme que j’ai envie de donner à l’histoire, ce sur quoi je souhaite mettre l’emphase ou ce qui ne me paraît pas si important au final. Et je me suis rendue compte, en écoutant Benoît, qu’il avait exprimé ce que je n’avais pas encore vraiment mis en mots dans ma tête : que je ne souhaitais pas écrire un thriller enlevant. Ce que j’avais envie de faire, dans La Pathologiste, c’est de donner vie à des gens de l’époque, de raconter leur vie, et qu’une enquête policière devenait un prétexte pour le faire. Un prétexte pour m’attarder aux personnalités, aux façons de penser, aux sentiments, aux mentalités du siècle dernier dans un province flambant neuve. Que tout devenait un prétexte, justement, pour parler de mes personnages et les faire s’exprimer : la Première Guerre mondiale, l’épidémie de grippe espagnole, les Métis, les Indiens (le terme Autochtones n’existait pas en 1918), les coureurs des bois, la contrebande d’alcool, l’immigration massive, l’arrivée de l’automobile ou l’émergence de la médecine légale.

Benoît, donc, ma permis de faire la paix avec une partie de moi qui « gossait » en me répétant qu’un roman policier, ça doit être comme ci et comme ça, qu’il doit se passer ci et ça, que ça doit faire plaisir à tel ou telle critique, et que, sinon, ça ne fonctionnera jamais. J’ai retrouvé un certaine tranquillité d’esprit, même si les doutes reviennent me hanter parfois. J’ai surtout davantage confiance en ce que je raconte, en ce que j’ai envie de raconter. Et ça, ça n’a pas de prix !

Je retourne donc à Lesley, Morley, Lucinda et tous les autres qui les entourent, pour les écouter me parler de ce qui les habitent, eux. Et si je ne vous promets pas d’explosions époustouflantes, de poursuites en voiture rocambolesques ou d’échanges de tirs épeurants, je vous promets des émotions en masse, du vécu, des questionnements, des ragots et des commérages sur le parvis de l’église, des « machos » finis qui nous tapent sur les nerfs, des femmes inspirantes et une histoire qui vous donnera l’impression de vivre là-bas, à Régina, en 1918.